Le Boeing 737 MAX reste cloué au sol : des perturbations attendues cet été
[Mise à jour le 28/06/2019]
Cloué au sol depuis mi-mars, le Boeing 737 MAX 8 n’est pas prêt à reprendre son envol. C'est ce qu'il faut retenir de la réunion qui a rassemblé les régulateurs de l’aviation civile de 33 pays le 23 mai. Aucun accord n'a été pris sur une date de remise en service. L’été risque donc d’être compliqué pour beaucoup de compagnies aériennes qui détiennent ce type d'appareil dans leur flotte. Au bout du compte, les voyageurs risquent d’en pâtir au moment des grands départs estivaux…
Suite à l’accident du vol Ethiopian Airlines en mars dernier – 5 mois après un autre crash mettant en cause le désormais tristement célèbre 737 MAX 8 de Boeing – tous les Boeing de cette famille ont été interdits de vol dans le ciel chinois, puis dans le ciel européen et Outre-Atlantique. Une suspension qui a peu à peu gagné tous les pays dont les compagnies exploitent ce modèle…
La réunion qui s’est tenue le 23 mai au siège de Boeing, au Texas, n’a pas créé de consensus sur la remise en service de cet appareil dont le système anti-décrochage est remis en cause, alors même que deux familles françaises de victimes ont ouvert des poursuites judiciaires à l'encontre du constructeur et que de nombreuses compagnies lui réclament des indemnités financières. Parmi elles, on compte la long-courrier low-cost Norwegian Air, premier client de Boeing en Europe (17 appareils), Turkish Airlines, mais aussi 13 compagnies chinoises exploitant cet avion.
Des modifications non validées, l’Europe méfiante
Pourtant, fin avril, Boeing indiquait être prêt à soumettre ses modifications concernant son système anti-décrochage et semblait confiant sur une remise en service prochaine de ses avions. Aujourd’hui, « le seul calendrier est de s’assurer que l’avion est sûr avant de voler », a répondu la Fédération Américaine de l’Aviation civile (FAA) le 23 mai. De plus, celle-ci a indiqué que le constructeur américain ne lui avait pas encore soumis ses modifications concernant le système anti-décrochage incriminé dans les deux accidents mortels, d’où le retard dans la procédure.
Par ailleurs, même si les Etats-Unis décidaient demain que les Boeing 737 MAX étaient prêts à voler à nouveau, l’Europe, par la voix de l’ASEA (l’Agence Européenne de la Sécurité Aérienne) a fait savoir qu’elle définirait elle-même la date de reprise des vols de ces appareils dans son ciel. Ainsi, elle a fixé 3 exigences pour que le 737 MAX 8 puisse redécoller en Europe : l’approbation des modifications apportées par Boeing, la tenue d’une étude indépendante de conception menée par ses soins et, enfin, une formation suffisante des pilotes sur ce modèle. De même, d’autres pays comme le Canada et le Brésil ont indiqué qu’ils entendaient lever la suspension de manière indépendante. Et ne seront sans doute pas les seuls dans ce cas... « Sur le plan international, chaque pays doit prendre sa propre décision, mais la FAA mettra à la disposition de ses homologues tout ce que nous avons appris, tout ce que nous avons fait et toute notre assistance », a ainsi expliqué le directeur de la FAA.
Vers une pénurie d’avions cet été…
En attendant, les compagnies aériennes privées de Boeing 737 MAX se trouvent pénalisées à l’approche de la saison estivale qui connaît, chaque année, un pic de trafic. Or, elles n’ont pas toutes les mêmes moyens pour faire face à une pénurie d’appareils : « Malheureusement, les compagnies aériennes n’ont pas toutes les capacités de mettre en service des appareils en réserve dans leur flotte pour assurer des vols supplémentaires. La plupart vont donc devoir louer des appareils ou bien recourir au partage de codes avec des compagnies partenaires », explique Anne-Laure Hery, porte-parole d’Air Indemnité.
Les compagnies clientes de Boeing qui ne pourront pas compter sur des appareils de réserve dans leur flotte ou faire appel à des courtiers pour en louer devront donc modifier leurs programmes de vols.
Si ce n’est pas le cas des compagnies françaises, dont aucune ne dispose de ces modèles dans sa flotte, en revanche, d’autres transporteurs desservant la France, américains, asiatiques ou encore européens, sont dans l’embarras. Aux Etats-Unis, les compagnies Delta Airlines, American Airlines et Southwest exploitent cette famille d’appareils. La première a suspendu ses vols jusqu’en août tandis que les deux dernières ont décalé cette suspension respectivement jusqu'au 2 septembre et 1er octobre. A titre d’exemple, cette décision entraînera l’annulation d’une quarantaine de vols quotidiens chez United Airlines. Sans compter le gel des livraisons des commandes prévues pour 2019 et visant à créer de nouvelles liaisons ou à renforcer des dessertes existantes.
L’été risque donc d’être compliqué dans les aéroports. Au total, plus de 90 000 sièges manqueraient à l’appel, selon Le Point : « Au cœur de l'été, ce sont 700 avions qui feront défaut dans le monde. Dans 30 % des cas, les avions nouveaux ont été acquis pour remplacer des appareils anciens, qui pourront être prolongés s'ils n'arrivent pas en butée de potentiel. Ce qui nécessitera une longue et coûteuse visite technique lors de laquelle l'avion est désossé à la recherche des traces d'usure, de criques et de corrosion. La majorité des avions à livrer permet de faire face à la croissance du transport aérien (+ 6,1 % en 2018) en créant de nouvelles lignes ou en musclant les fréquences des dessertes existantes ».
… et des risques de retards et d’annulations pour les voyageurs.
Toutes les compagnies qui subissent les déboires de Boeing ont donc encore quelques semaines pour s’organiser avant le lancement de la haute saison, à moins que le B737 MAX puisse voler de nouveau d’ici fin juin comme le laissent entendre certains experts Outre-Atlantique, et à condition de convaincre les passagers de remonter à bord de ces avions.
Interrogé par l’hebdomadaire Le Point, Gilles Gompertz, le directeur général d'Avico, principal courtier aérien français précise : « Cela devrait bien se passer avant l'été, car la saisonnalité du trafic est forte en Europe-Afrique. Jusqu'à début juillet, rien de sérieux. Après, c'est beaucoup plus compliqué, car le manque à livrer des B737 aura doublé. Au moindre aléa d'exploitation – panne technique, météo, retards cumulés –, il n'y aura plus d'avion à louer (…). »
Dans ce cas, les passagers aériens risquent de subir quelques aléas.
« Si le vol affrété par la compagnie arrive avec un retard de plus de 3 heures ou est subitement annulé, la compagnie peut verser une indemnité par passager. Un règlement européen prévoit en effet une indemnité forfaitaire, allant de 250 à 600 euros par passager, mais celle-ci ne pourra pas être versée si la cause du retard ou de l'annulation n'est pas imputable à la compagnie. Par ailleurs, en cas de retard supérieur à 2 heures au départ ou d'annulation de vol, la compagnie aérienne doit prendre ses passagers en charge et ce, quelle que soit la raison de la perturbation, que celle-ci relève, ou non, de sa responsabilité », rappelle Anne-Laure Hery.
On entend par "prise en charge" les repas, les boissons voire l'hébergement si le vol est retardé au lendemain ou si le vol remplaçant le vol annulé est prévu le lendemain. « Dans le cas de la suspension des Boeing 737 MAX, c'est un peu particulier. Les compagnies peuvent annuler des vols parce qu'elle n'ont pas la capacité de remplacer les avions qui leur font défaut suite à l'interdiction de voler de ces appareils. Or, cette interdiction n'est pas de leur ressort puisqu'elle a été décidée par les autorités pour des raisons de sécurité. S'organiser demande du temps et des moyens et certaines compagnies ont dû réviser leurs programmes de vols jusqu'en juillet ou août ! A priori, elles devraient donc pouvoir prévenir leurs passagers des changements de vol ou des annulations suffisamment à l'avance. Quand une annulation est annoncée au moins 14 jours à l'avance, aucune indemnisation n'est prévue mais la compagnie doit tout de même proposer une solution de remplacement ou bien le remboursement du billet d'avion », conclut Anne-Laure Hery.
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